LES ORIGINES DE ISSA HAYATOU

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C’est sur les plateaux de l’Adamaoua à Garoua précisément, que naquit Issa Hayatou, cinquième dans l’ordre des fils du Lamido, Chef à la fois Spirituel et Temporel, à l’image des « Karamokos- Alpha » du Fouta Djallon.

La famille qu’on dit être fondatrice de la ville de Garoua au bord e la Bénoué, est l’une des plus puissantes et  des plus prestigieuses du Cameroun. Un pays, dont le Sud est majoritairement Chrétien, et le Nord Musulman, qui faisait partie, de l’Emirat de Yola qui couvrait, une bonne partie du Nord de l’actuel Nigéria. En fait ici, la territorialité Administrative post-Indépendance, n’a nullement effacée, les frontières historiques et sociologiques.

Tout se tient par des liens très forts de famille et de religion Musulmane. Pas étonnant donc que le Sokoto, ait été l’un des quatre Royaumes Théocratiques de l’Afrique de l’Ouest, les trois autres étant, le Fouta djallon, le Fouta Toro et le Macina. Par conséquent, Garoua, Maroua, Gahoundéré, Mokolo, Kousséry, sont restés de véritables de temple de l’islam  ce, malgré la colonisation et sa fameuse mission civilisatrice. Et le fait que le Premier Président du Cameroun soit issu de ce Nord, qui a tout en commun et en partage avec le voisin et coreligionnaire Nigérian, a certainement encore plus donné de la notoriété à la famille Hayatou, qu’on dit avoir été la tutrice des parents de Ahmadou Ahidjo, dont la mère Adama dite « Adama Kano », est de cette ville Nigériane intégrante de l’Emirat de Yola dans le grand Sokoto.

Ce Peul télégraphiste, devenu Président, au détriment du Bassa Um Nyobé et du Bamiléké Félix Roland Moumié qui à la tête de l’UPC « Union des Populations du Cameroun », menèrent une âpre lutte contre les Français, aida considérablement les fils du Nord à aller l’école, tout en bénéficiant de la politique de quotas instaurée par Ahmadou Ahidjo, pour rattraper le Sud.

Naturellement que ce dernier, a eu le mérite de réunifier le Cameroun morcelé en Francophone, Anglophone et Germanique après la Conférence de Berlin de 1885. Ce rappel, s’impose pour montrer que le Président Issa Hayatou, était un Aristocrate Peul qui pouvait dans l’ordre de succession, devenir Lamido, et commander des terres et des hommes, dans le strict respect des normes et des codes qui régissent l’exercice de la haute fonction.

La Cour du Lamido de Garoua, est constituée  des membres de sa nombreuse famille, les conseillers, les griots, les marabouts, les maitres d’école coranique, les subalternes, les hommes de métiers et les sujets. Tous, doivent allégeance au Chef, et celle-ci s’effectue dès le réveil de  ce  dernier. La file s’allonge  et souvent, des visiteurs viennent s’y ajouter avant que le protocole, ne prépare les audiences de la journée. Certains, compte tenu de leur importance et de l’urgence des messages dont ils sont  porteurs, peuvent être reçus, à toutes les heures. Ils offrent des présents au Lamido qui en retour, en donne  aussi, selon les recommandations des conseillers.

Toute la Cour, est à la charge du Maitre des Lieux. Non seulement elle, mais aussi, les indigents qui prennent d’assaut la Résidence Royale. C’est pour satisfaire à ces nombreux besoins, qu’un animal est immolé tous les matins, et les greniers à grains, sont toujours remplis, de même que les malles cantine d’étoffes de cotonnade et d’habits de toutes sortes. Bref, tous les hommes de métiers travaillent sans relâche, afin que rien ne manque à la Cour Royale. Pour avoir grandi dans ce milieu, Issa Hayatou bien qu’étant allé à l’école des blancs, ainsi qu’un bon nombre de ses quarante frères et sœurs, est strictement demeuré, respectueux des valeurs de la tradition Peule exprimée dans la doctrine du PULAAKU,  « le Mugnal, le Hakilo et le Semtendé », autrement dit, la patience, l’intelligence et la persévérance.

Le Président de la Caf qu’il a été pendant 29 ans, a souvent  voyagé avec ses griots qui occupaient, les chambres attenant à sa suite à l’hôtel et qui faisaient, ses louanges à son réveil, qui constituaient sa Cour, celle transposée et transférée, du Lamido de Garoua. Il les traitait avec égards, les écoutait avec attention, avant de commencer sa journée. Le Président Issa Hayatou, n’était pas un féru des spectacles, des choses de la mondanité, il préférait toujours, ce qui était en lien avec la tradition.

Il imposait le respect de telle sorte que, quand il arrivait au restaurant pour le petit déjeuner, tout le monde déposait cuillères, fourchettes et couteaux, se tenait debout, pour lui rendre les honneurs. Il parlait peu, détendait par ses petites attaques, ne tenait jamais un téléphone dans ses mains, ou le décrocher. Il y avait un chargé de mission pour ça. Il se savait né pour commander. Et il ne posait aucun acte, qui pouvait ternir son image.

Lors de ses visites à Conakry, marquées  plus du sceau de la fraternité que de la Présidence de la Caf, il me demandait de lui envoyer à son hôtel, les Farbas du Fouta pour qu’ils lui racontent, l’Histoire des Peuls. On découvrait alors l’Aristocrate, fier de ses origines, celles de ce Peuple nomade, travailleur, téméraire, humble, cultivé, riche et intelligent qui, par des migrations successives de la Basse-Egypte, se retrouve dans les grands lacs, sous l’appellation de Tutsis, de fulfuldés au Cameroun, de Foulanis au Nigéria, de Bororos au Tchad et en Centrafrique, de Toucouleurs et de Peuls en Afrique au Sud du Sahara. Par ces attitudes convenables de noblesse, Issa Hayatou, le Prince de Garoua, a prouvé que ce qu’il a tété au sein et à la barbe, constitue le limon dont sa chair a été faite.

Repose en Paix Très Respecté Grand Frère. Amen.

A suivre le bilan de Issa Hayatou à la tête de la CAF.

Amadou Diouldé Diallo