Marié à Thérèse, une des sœurs cadettes de Madame Delphine Camara l’Epouse du Premier Ministre Lansana Béavogui, on peut dire que Boubacar Kanté faisait partie des Princes du régime du Président Ahmed Sékou Touré. Mais cette posture ne l’en empêcha point de quitter le pays pour les bords de la Lagune Ebrié ou Guillaume un des fils du Président Houphouët Boigny, compterait parmi ses amis. Il en aura beaucoup plus encore surtout parmi ceux qui comptaient dans le Football Ivoirien. Au vu de l’immense talent de Boubacar Kanté, la Cote d’Ivoire venait de faire une grosse pêche, au moment ou elle cherchait à faire rayonner son football afin d’en ajouter à ce qu’ils appelaient là-bas , « le miracle Ivoirien ». Ainsi, sur les ondes de la Radio Nationale et par la suite sur le plateau de la télévision, plus encore, sur la Chaine Panafricaine Africa no1, émettant de Libreville au Gabon, il a boosté les clubs et les équipes nationales de son pays d’adoption bien au détriment de sa Guinée natale. L’Asec Mimosas de la riche et influente famille Ouegnin, l’Africa Sport d’Abidjan de Simplice Démézé Zinsou, le Stade d’Abidjan, l’équipe Nationale, les Eléphants, tous ont fait l’objet de reportages succulents, avec des sobriquets collés à leurs vedettes comme Youssouf Falikou Fofana « l’enfant de Makono » ou encore le Stade Félix Houphouët Boigny qu’il surnomma la « Bonbonnière du Plateau ». Bouba comme on l’appelait, était le chouchou de tout le monde, roulant en Mercedès coupée, présent aux grands banquets dont raffolaient la haute classe d’Abidjan. Chacun voulait l’avoir à sa table.car, être en sa compagnie vous donnait un statut. Le Stade se levait à son entrée, certains dirigeants comme Maitre Roger Ouegnin le Président de l’ASEC, demandait à la RTI, d’enregistrer les reportages de Bouba pour lui afin qu’il puisse les écouter une fois chez lui avant d’aller au lit. C’est l’intéressé lui meme qui m’en avait la révélation au cours d’un déjeuner à Captown en Afrique du Sud en présence de mon frère et confrère Ouattara Hegaud. La Cote d’Ivoire a organisé la CAN en 1984 et l’a remportée en 1992 à Dakar, le tout avec l’empreinte majestueuse de Boubacar Kanté. Malgré toute cette attention, l’inimitable Reporter n’a pas oublié sa Guinée natale. C’est pourquoi dès après la mort du Président Ahmed Sékou Touré le 26 Mars 1984, il a repris le chemin du retour au pays natal avec une présence mensuelle pratiquement, non pas à Conakry, mais à Dabola qu’il ralliait souvent à partir de l’aéroport pour aller voir sa chère mère, Nna Doussou Kanté qu’il accompagnait au marché, la tenant d’une main et sa corbeille de l’autre. Il avait construit une belle maison pour elle avec un petit magasin qu’il remplissait de vivres afin que sa mère ait tout à portée de main. Lors de ses séjours répétés à Dabola, il rendait visite à toutes les familles et se rendait les soirs au terrain en « tapettes » et faisait les reportages des matchs avec les jeunes en plein air. Ceux qui lui faisaient des reproches de se rabaisser en se comportant ainsi, recevaient des réponses caustiques comme celles-ci « le grand Boubacar Kanté c’est ailleurs, pas ici à Dabola ou je suis né et grandi. Ici je suis et resterai tout petit ». Il aimait Dabola, il aimait sa mère, ses sœurs, toute sa famille. Il en est revenu le Dimanche 20 Octobre 1997 dans la matinée, assuré la retransmission d’un match de football l’après-midi avec nous, avant de rejoindre Abidjan le lendemain à 18h par Air Ivoire. Le décret le nommant Directeur du Bureau de Presse de la République, est tombé le Mardi 22 Octobre dans la soirée. Il était déjà à Abidjan. Le lendemain Mercredi, il se rend à Libreville pour annoncer la bonne nouvelle à son ami le Président Oumar Bongo Ondimba. Il est de retour le jeudi dans la matinée et organise le soir, un diner d’au revoir chez lui à Cocody. C’est là qu’il sera assassiné dans la nuit à la veille de son retour définitif en Guinée. Celui que le protocole de Nelson Mandela venait chercher à l’aéroport de Johannesburg et qu’il logeait au Palais Présidentiel, celui à qui le Président Oumar Bongo envoyait son avion personnel pour l’emmener à Libreville ou dans d’autre capitales Africaines en qualité de chargé de missions, celui que le Général Lansana Conté avait investi de toute sa confiance pour en faire un de ses plus proches collaborateurs, a regagné Conakry dans un cercueil. Il repose à jamais au cimetière de son Dabola natal. Pour marquer le 26e anniversaire de disparition de Boubacar Kanté, l’un des plus grands journalistes Sportifs Africains, le 24 Octobre 2023 le Préfet de Dabola, le Colonel Niang, a fait nettoyer sa tombe par toutes les forces de défense et de sécurité, organisé une lecture de Saint Coran dans sa famille suivies d’un match de gala de football et un diner à l’Espace Culturel qui porte le nom du regretté. A noter qu’à la faveur de la CAN, la Cote d’Ivoire va distinguer à titre posthume le 15 Janvier prochain, Boubacar Kanté et plusieurs autres grandes figures de la Presse Sportive Africaine.
Amadou Diouldé Diallo