ISSA HAYATOU ET MOI

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En 1990 en Italie, je couvrais ma première Coupe du Monde. A l’escale de Paris, je suis descendu chez mon oncle à Saint- Denis sur la Rue Gynemer dans le 93e. Je passai alors un coup de fil au grand frère Almamy Kabélé Camara qui séjournait dans la capitale Française, Chez son grand frère Ousmane Kabélé Camara. C’est lui qui m’a demandé une fois en Italie, de me présenter à Issa Hayatou en son nom. Ce que je fis non pas à Rome mais à Naples à la faveur de l’épique match Cameroun- Angleterre. Le Camerounais qui venait d’être élu Président de la Caf deux ans auparavant à Casablanca au Maroc, m’accueillit avec beaucoup d’attention et de ferveur. Je mis cela au compte de l’excellence de ses liens d’amitié avec le grand frère Almamy Kabélé. Je n’eus plus une autre opportunité de le rencontrer durant cette Coupe du Monde, à cause de ses nombreuses occupations. Des années passèrent ; des CAN aussi au Sénégal, en Tunisie, en Afrique du Sud, au Burkina faso, au Ghana et Nigéria, au Mali, de nouveau en Tunisie, en Egypte, sans que je ne puisse rencontrer le Président Issa Hayatou. Mais en 2001 aux Seychelles à la CAN des Cadets, j’ai eu l’occasion de le voir à son hôtel, au stade, et converser publiquement avec lui. Des fois en compagnie du Somalien Fara Ado, membre du Comité Exécutif qui avait épousé une guinéenne de Mamou à la faveur de la Can Junior organisée par notre pays en 1999. C’est à partir de la Can 2008, au Ghana, que nos relations se sont solidifiées, se sont densifiées pour ne plus connaitre de rupture. Bien au contraire.car, pour l’Aristocrate Peul, fils du Lamido de Garoua qu’il était, nos relations reposaient désormais plus sur l’histoire et la sociologie de notre communauté, que du football et ses folles passions. J’étais devenu une sorte de bibliothèque pour lui. A tel enseigne, qu’il tenait à toujours m’avoir à ses cotés. Et pour mieux me tenir à portée de main et d’orteil, il me fit nommer membre de la Commission Médias de la Caf. A la CAN2010 en Angola, je fus déployé comme Officier Média à Lubango, en 2011 à Marrakech à la Can des U23. Normalement, après ces désignations successives, je devais céder la place à d’autres membres de la Commission. Mais c’était sans compter avec le Président Issa Hayatou. Le soir de la finale de cette CAN, au retour d’un Diner qui avait été offert par le Secrétaire Général de la Caf, le Marocain Hicham Al Amrani, on a publié la liste officielle de la délégation de la Caf, pour la CAN2012 au Gabon. Comme il fallait s’y attendre, je n’en faisais pas partie. A 23h, je sors de ma chambre de Novotel, pour aller chercher du papier à la réception. Car, je n’en n’avais pas assez pour mes rédactions de la nuit. De passage, je trouve assis dans un des salons, le Président Issa Hayatou et Almamy Kabélé Camara. Je les salue poliment et retourne sur mes pas. Alors le Président Issa Hayatou s’étonne de me voir chercher du papier pour écrire au moment ou tout le monde rentre se coucher. C’est le frère Almamy Kabélé Camara dans son don inné de réplique, informe son Président, qu’en fait, c’est la nuit que j’écris. Aussitôt une autre question surgit. Diouldé est-il membre de la délégation de la Caf pour la Can au Gabon ? non répond frère Kabélé. Le  Président Issa Hayatou de lui demander de le rappeler le matin au petit déjeuner afin qu’il donne des instructions au Secrétaire Général de la Caf de m’inscrire, quitte à reprendre la composition de la délégation rendue publique la veille. Avant midi, on était revenu sur la composition pour m’intégrer et me placer dans le groupe de Libreville sur ses instructions. Car, il tenait à me voir prendre part aux veillées particulièrement consacrées à l’histoire des Peuls, notre Communauté. C’est encore moi, qui fut l’Officier Média de la finale Zambie-Cote d’Ivoire remportée par le pays de Kalusha Bwalya. Un matin que nous prenions le petit déjeuner à au Novotel qui était l’hôtel de la Caf, le Président Issa Hayatou, arriva au restaurant en compagnie de son inséparable Vice-Président Almamy Kabélé Camara. Comme il était de coutume, tout le monde se leva pour lui rendre les honneurs. On se rassit. Et je me levai de ma table que j’occupais avec l’éminent Journaliste Sportif Camerounais reconverti en Officier de Sécurité de la Caf, Abel Mengue. Il n’avait retenu de ses missions à Conakry que la phrase « Idoumanyé », ce qui veut dire tu me plais. J’allai dire bonjour au Président Issa Hayatou. J’étais le seul de tous les convives, à m’être déplacé. Il répondit chaleureusement à mes salutations sur fond de fulfuldé et de pular, mais nous nous comprenions parfaitement. Je retournais à ma table sous les yeux hagards de toute l’assistance. A la sortie du restaurant, Abel Mengue m’apostropha en ces termes : «  Diouldé, il ne faut plus répéter ce que tu viens de faire, tu as compris. Quand le Président de la Caf est présent, personne ne doit aller vers lui, à moins d’être appelé ». Ma réponse ne se fit pas attendre. « Moi j’ai été saluer mon grand frère Peul du Cameroun et non le Président de la Caf. Je crois que bien qu’étant Camerounais, la Caf est avant tout, une affaire de peuls ». J’ajoutai « moi Diouldé ce petit Guinéen, peut te virer de la Caf, toi, le Camerounais. C’est une affaire de Garoua et non de Douala, tu as compris ». A vrai dire, Abel Mengue ne s’attendait pas à une telle réplique de ma part. Alors, en très bon comédien, se mit au garde à vous et me dit : «  Respect mon Général ». il ne sera pas au bout de ses peines avec nous les Peuls. Car, l’après-midi, les Eléphants de Cote d’Ivoire, faisaient la reconnaissance du terrain pour la finale du lendemain.  Par un pur hasard, Augustin Sidy Diallo, le Président de la Fédération Ivoirienne de Football, Souleymane Habuba, Nigérian, Directeur de la Communication de la Caf et moi, nous retrouvâmes sur la main courante du Stade de l’Amitié de Libreville. Et revoilà Abel Mengue qui nous indexent et nous dit «  Peul de la Cote d’Ivoire, Peul du Nigéria et Peul de la Guinée ensemble ». je répliquai aussitôt « Attends un peu Abel, il ya le grand Peul du Cameroun, qui va arriver dans quelques instants ». Et lui de répondre : «  Ah non, lui, il ne me trouvera pas ici ». Nos rires attirèrent l’assistance, tellement ils étaient chaleureux et fraternels. Et depuis, quand mon chemin croise celui du doyen Abel Mengue, il me dit toujours « Idoumanye » avec un garde à vous à l’appui. Je me souviens d’une autre scène qui s’est déroulée dans les jardins de l’hôtel de l’Amitié de Bamako à l’occasion d’un Diner de  la Can 2002 au Mali. Une Dame de haute taille, et charmante avait captivé tous les invités. J’étais arrêté avec Abel Mengue. Alors je lui posai la question sur celle qui avait ravit la vedette des regards. Ironiquement, il me répondit : « c’est une Camerounaise, elle est chargée de préparer et de servir à partir de sa cuisine d’ici, le petit déjeuner du Président Paul Biya ». Ne comprenant rien à ses explications, il devint plus précis. «  elle est des Services de Renseignements de la République, et fait partie de la délégation des Lions Indomptables pour rapporter au Président, tout ce qui se passe au sein de l’équipe ». Là j’avais tout compris et bien mieux, lorsque je me souvenu des mêmes propos tenus par le Doyen Pathé Diallo, le phénoménal Journaliste Sportif dont la profession était Commissaire de Police, spécialisé dans les rapports de tous ordres. C’est avec lui que j’avais entendu pour la première fois, le terme « le petit déjeuner du Président ». J’ai donc vite fait le lien et parvint à la conclusion que le football était très pris au sérieux par certains de nos gouvernants. Pour des raisons de voyage en Europe et aux Etats-Unis d’Amérique dans le cadre de mes conférences sur l’histoire du Fouta pour empêcher la funeste politique de « Manden Djallon » prônée par Alpha Condé de prospérer, je n’ai pas participé à la Can 2015, initialement prévu au Maroc et qui s’est finalement jouée en Guinée-Equatoriale. Je serais de retour pendant celle de 2017 au Gabon, en qualité Chef du Bureau Média/CAF pour le site de Oyem, le Chef-lieu de la Province de Wolen-Tem en pays Fang. Avant de le rallier, j’avais rencontré le Président Issa Hayatou à l’hôtel de la Caf à Libreville. Lors de notre dernière conversation, il m’avait dit ceci : «  je vais être candidat à ma propre succession en Mars à venir lors de l’Assemblée Générale Elective prévue à Addis Abeba en Ethiopie. Si je suis réélu, tu viendras travailler à mes bureaux à Yaoundé. Car, pour ce dernier mandat que je vais briguer, je veux t’avoir à mes cotés à cause de notre fraternité. Aussi, avec ton ancienneté et ta vaste culture générale, tu ne dois plus être Officier Média à travailler sur le terrain ». Malheureusement, il ne sera pas réélu. Je le verrais pour la dernière fois, au soir de la finale remportée par les Lions Indomptables du Cameroun aux dépens des Pharaons d’Egypte. il entouré d’une foule nombreuse en majorité ses concitoyens parmi lesquels, son épouse, ses enfants et sa belle-sœur, l’épouse de son grand frère l’ancien Premier Ministre Sadou Hayatou. Épuisé certes par les séances répétées d’hémodialyse, mais comblé par ses belles performances de l’équipe Nationale de son pays qui en rajoutaient à son prestige et à sa grandeur de Premier Dirigeant du Football Africain. A plusieurs reprises, j’ai voulu lui rendre visite à Yaoundé, sans jamais y parvenir. La dernière tentative, était le Congrès de l’Aips/Afrique de Malabo en Octobre prochain.je comptais faire un détour par Yaoundé pour lui serrer la main. Le destin en a décidé autrement. Par des sources bien informées, j’avais appris que le Président Issa Hayatou voulait me nommer comme Directeur de la Communication de la Caf, en remplacement du Nigérian Souleymane Habuba qui venait de quitter l’institution pour s’installer à son compte à Dubai. C’est le fait que je ne parlais ni n’écrivait Anglais qui l’en a empêché. Finalement le choix fut porté sur le Camerounais Junior Binyam. Au terme de toutes les Can auxquelles j’ai assistées, le Président Issa Hayatou me donnait 500 dollars Américains. « garde ton argent pour le pays, achètes des choses ou envoies ce montant à ma belle-sœur ». il parlait de ma femme. Il ajoutait en ironisant « je vais m’assurer que tu as fait ma commission ». Lors de ses visites à Conakry, il me demandait de lui envoyer à son Hôtel, les Farbas du Fouta, qui venaient lui raconter des Peuls. Ces récits lui procuraient une joie immense.son visage rayonnait de bonheur. Alors on voyait transparaitre l’Aristocrate Peul fier de ses origines et non le grand Dirigeant Sportif. Les Farbas retournaient avec de l’argent et des présents que lui-même et Almamy Kabélé Camara, leur offraient. A Marrakech, je lui avais dédié un poème rimé avec les initiales de son Nom et de son Prénom. A sa lecture, il me dit « Diouldé, je te connaissais journaliste sportif et non poète. Merci beaucoup ». Ce poème que j’avais soigneusement encadré, il l’a accroché en bonne place dans sa Maison à Garoua, avec des compliments à mon égard, toutes les fois, qu’il lui arrivait de le relire ou si des visiteurs l’appréciaient. Il me le disait souvent. Aujourd’hui, j’ai la certitude que le Président Issa Hayatou voulait que je sois auprès de lui à Yaoundé c’était dans le but d’écrire ses Mémoires. Elles seront écrites à titre posthume Inchallah. A la Caf, beaucoup me voyait et me traitait comme le petit frère du Président Issa Hayatou. ils n’avaient pas. Car, c’était bien cela dans les faits. J’avais sa proximité et son attention, je mangeais dans sa suite ou seuls sa famille, ses amis proches et les membres du Comité Exécutif, étaient conviés. Il n y avait aucune barrière entre nous. Je me sentais sous sa protection moins dans une manifestation sportive aussi importante et prestigieuse que la Can, qu’au Palais Royal de Garoua ou chez moi au Fouta Djallon. J’arrivais à Yaoundé quand je voulais, m’installai à l’hôtel des Députés comme je voulais. Je ne faisais que signer, c’est tout. J’allai prendre des brochettes au quartier « Briqueterie » majoritairement habité par les Peuls du Nord, et passer voir des amis sans encore passer voir le grand frère Issa Hayatou. Cela pouvait durer 72h avant de présenter à la maison. Il me posait la question de savoir quand es-que je suis arrivé à Yaoundé. Il s’étonnait de ma réponse et passait beaucoup de temps, avec toujours à l’ordre du jour, l’histoire des Peuls.

Amadou Diouldé Diallo