Issa Hayatou : les raisons d’une chute (suite et fin)

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Sauf que si l’intention du Président Issa Hayatou, était de passer la main à Dany Jordan après que ce dernier ait été élu au Comité Exécutif, sera vouée à l’échec. En effet, le Malgache Amad Amad aura le soutien de ceux là mêmes qui l’avaient poussé à faire acte de candidature. C’est lui qui sera élu malgré les consignes de vote données par le groupe du Président Issa Hayatou. Les Arabes, venaient de réussir leur coup, empêcher Dany Jordan de rentrer au Comité Exécutif et compromettre de facto toute désignation future comme successeur du Président sortant dont le discours de clôture de l’Assemblée Générale de Marrakech, ressemblait fort bien à un au revoir. En 2017, c’est un autre Africain qui sera aux commandes de la Caf. Certains observateurs présents  dans la cité ocre du Royaume Chérifien, ont rapporté que rarement ou presque jamais, ils n’ont vu le Président Issa Hayatou, dans un état colérique comme ce jour là. Il aura failli porter la main sur l’Algérien Mohamed Raouaroua au motif que c’est ce dernier qui aurait avec ses frères Arabes, orchestrés la non-élection de Dany Jordan au Comité Exécutif de la Caf. Et dire que c’est ce dernier qui avait en bon juriste, qui avait trouvé la formule de la motion de censure pour empecher  l’Ivoirien Jacques Anouma de se porter candidat à la Présidence de la Caf quatre ans plus tot aux Seychelles. Voilà qu’il est soupçonné d’avoir œuvré pour faire élire Amad Amad. Une sorte de revanche en quelque sorte, et une épine dans les pieds du Président Issa Hayatou.car, le Malgache, ne lui devait pas son élection . il devenait de fait, un électron libre, un levier qu’on pouvait actionner à tout moment à l’intérieur du « POLITBURO ». et c’est bien cela qui va se passer. Amad Amad va se porter candidat à la Présidence de la Caf, beaucoup plus par sa propre volonté que par la manipulation et l’instrumentalisation de ses Parrains Arabes renforcés par les Anglophones auxquels on n’avait pas attribué l’organisation de la Can depuis 2013 en Afrique du Sud. Courroux au quorum du fait de la préférence disent-ils, du Président Issa Hayatou pour les Francophones. Les CAN 2012 au Gabon, le Maroc en 2015, même si elle sera finalement organisée par la Guinée-Equatoriale, 2017 encore au Gabon, 2019 au Cameroun, 2021 en Cote d’Ivoire et 2023 en République de Guinée sans même un appel à candidatures pour cette dernière. Les griefs étaient suffisants à leurs yeux, pour rejoindre le groupe de ceux qui avaient mis la tête du Président Issa Hayatou à prix. Surtout que chez les Francophones même, il y avait des partisans de la rupture, c’était pour la plupart les soutiens de Jacques Anouma qui reprochaient à Issa Hayatou, le fait d’avoir éliminé un dirigeant valable qui aurait pu faire conserver le trône dans leur espace. C’est dans ce contexte, que tous les candidats à la Présidence de la Fifa pour remplacer le Suisse Sepp Blatter, cherchaient des voix en Afrique, écumèrent le continent en ne se faisant pas prier pour assister à ses grandes manifestations comme la Can dans toutes ses catégories et le Chan. Tout comme, ils faisaient des yeux doux de chimène au Président Issa Hayatou qui était aussi, Vice- Président Sénior et Président par intérim de la Caf. Par conséquent, c’est lui qui devait organiser le Congrès Electif de la Fifa. Il était donc au cœur du football mondial. Une aubaine pour se venger de l’histoire après son échec en 2002 à Séoul en Corée du Sud ou il s’était porté candidat contre Sepp Blatter. Il se serait souvenu qu’à la réunion de la Caf et des Associations Nationales à Paris, il n’avait pas eu l’unanimité des 54 pays du continent. Beaucoup ,comme c’est le cas dans bon nombre d’institutions internationales, les représentants Africains sont abonnés à l’argent, aux recommandations de leurs Chefs d’Etats, de cadeaux parfois insignifiants et des privilèges de voyager en Première ou en Business et de descendre dans de grands hôtels et d’y inviter des membres de leurs familles et des ressortissants de leurs pays, pour montrer, combien de fois ils sont importants. Des photos prises en des endroits idylliques sont postées sur les réseaux pour compléter le tableau de la prétention et du manque d’humilité. Malheureusement, le Président Issa Hayatou certainement à la merci d’un entourage qui appris à connaitre ses faiblesses pour savoir ou il ne faut pas toucher à la tache de la vipère, va répéter les mêmes fautes que celles de 2002. Nous sommes au Chan de 2016 au Rwanda, Luis Figo, Gianni Infantino, le Prince Jordanien tous candidats à la Présidence de la Fifa sont présents pour chercher des voix auprès de la Caf et  de ses Associations Nationales. L’idéal pour la Caf, aurait été de ne pas donner aucune consigne de vote à ces dernières. Et selon des propos qui m’ont été rapportés dans l’avion d’Ethiopian qui nous ramenaient dans nos capitales respectives, un Membre influent du Comité Exécutif de la Caf me dira tout son étonnement quant au discours tenu au Diner de Clôture du Chan à Kigali par un de nos collègues et qui annonçait solennellement, le soutien de la Caf, au Prince Jordanien. Nous autres membres du Comité Exécutif assis aux cotés du Président Issa Hayatou, sommes regardés et sont parvenus à la conclusion, que celui qui parlait, avait juste prété sa bouche à notre Président.car, la décision qui avait été prise en réunion, était que la Caf, ne donnait aucune consigne de vote aux Associations Nationales, chacune étant libre de voter pour le candidat de son choix. Nous apprendrons plus tard poursuit-il, que le fameux porteur de la voix unique du Président de la Caf  au Diner, s’était rendu à Amman la capitale de la Jordanie, en jet privé pour empocher 50.000 dollars Américains. Au nom du Président Issa Hayatou ou en son nom propre, l’histoire nous le dira. Tout comme elle nous dira comment la signature d’un membre influent de notre Comité Exécutif, s’est retrouvée dans les livres comptables de la Caf au Caire, par laquelle on augmentait le salaire du Président de la Caf. Là aussi, il se pose la question de savoir si Issa Hayatou le savait ou pas. Dieu merci qu’à la découverte de ces documents comptables, le Président Amad Amad a eu de la grandeur en demandant leur classement pure et simple. Ce qui voudrait peut-être dire que si l’entourage du Président Issa Hayatou avait très tôt en charge le Malgache, nul doute qu’il aurait renoncé à sa candidature. Au lieu de cela, il a été voué aux gémonies, boudé, isolé même lors des Déjeuners et des Diners dans la suite du Président Issa Hayatou connu pour son autoritarisme de Prince Peul de Garoua à qui on doit faire allégeance, s’était enfermé dans une sorte de tour d’ivoire. Malgré toutes ses déconvenues et toute cette ignorance de sa personne, Amad Amad , est resté chaleureux, jovial , généreux avec tout le monde, lui que tout l’entourage du Président Issa Hayatou, a considéré comme un « corps étranger », un mal élu, au sein du « POLITBURO ». On raconte qu’à la veille du Congrès Electif d’Addis Abeba Du 10 Mars 2017, il voulait renoncer à se présenter pour ne pas « Humilier » le Vieux disait-il. Car, il était assuré de sa victoire avec la campagne menée par tous les adversaires du Président Issa Hayatou, particulièrement l’Italo-Suisse Gianni Infantino qui ne pardonnait pas au Président de la Caf, d’avoir donné des consignes de vote en faveur du Prince Jordanien. Une erreur de casting ou un gout prononcé pour l’argent de son entourage. Car, on n’a pas besoin d’être un observateur averti du monde du football pour savoir que la Fifa depuis sa création le 21 Mai 1904 à la Rue Saint-Honoré à Paris, a été, exception faite du Brésilien Joao Havelange, toujours présidé par les Européens. Comment alors peut-on soutenir un Prince Jordanien, difficile ne pas y voir une affaire de gros sous. Et bien de regrets.car, c’est bien à cause de ce choix malencontreux, que Gianni Infantino, finalement élu Président de la Fifa, est venu installer son QG de campagne en faveur de Amad Amad à Hararé au Zimbabwé. Une première dans les annales du football qui a un gout de vengeance. Son poulain Malgache sera élu Président de la Caf, par 34 voix contre 20. Un écart humiliant qui est la conséquence directe des jeux de bascule auxquels se sont livrés pendant de longues années ceux qu’on appeler les thuriféraires du système Issa Hayatou. Pourtant le mieux aurait pour eux, de convaincre leur Patron, de la nécessité de passer la main à un d’entre eux et d’appeler à soutenir dans la logique de la continuité du système. Malheureusement comme c’est le cas partout en Afrique, l’entourage fait du Président, un fonds de commerce pour assouvir ses appétits, en oubliant que tout ce qui est du fait d’un Homme est périssable comme les agrumes et les légumes. C’est bien le grand Economiste Français René Dumont qui a raison, l’Afrique est mal partie. On est encore à l’ère du clan, de la tribu, de la région et du culte de la personnalité, de Demi- DIEU, si nous empruntons à la littérature populaire. Dans ce qu’on peut considérer comme la nuit de la dernière chance, le Président Issa Hayatou, aurait pu sauver son honneur. En effet, plusieurs Présidents d’Associations Nationales présents à Addis Abeba dans le cadre du Congrès Electif de la Caf, ont vu lui tendre la perche en lui proposant des jeux de désistement de certains candidats en faveur d’autres. C’est le cas par exemple du Congolais de la RDC, Constant Omari appelait le Président « Papa », qui demandait le retrait en sa faveur, de la candidature du Président de la Fédération Ivoirienne de Football, Augustin Sidy Diallo au Comité Exécutif de la Fifa. La réponse du Président Issa Hayatou qu’il n’y pouvait rien pour la simple raison, qu’il était désigné par son pays. Au Président de la Fédération Nigériane de Football qui pour sa part, demandait le désistement du Béninois Anjorin Mucharaf qui avait déjà effectué deux mandats au sein du Comité Exécutif de la Caf au compte de la Zone Ouest C à laquelle ils appartenaient leurs deux pays, rappelant la taille et la grandeur du Nigéria dont il ferait la locomotive, pour faire basculer les Anglophones. le Président Issa Hayatou aurait là aussi répondu que le Béninois était son « fils ».  Autant d’exemples qui montrent qu’en cette nuit de longs couteaux, de nombreux délégués au Congrès, ont bien voulu sauver le «  Vieux », comme ils l’appelaient si affectueusement d’un déshonneur certain. Il en fut ainsi malheureusement. Après 29 ans glorieux passés à la tête de la Caf, ISSA Hayatou, le grand Baobab du Football Africain, venait de tomber en ce 10 Mars 2017, là ou le Continent s’était donné rendez-vous pour créer L’Union Africaine 1963. Addis Abeba la Capitale de l’Ethiopie. Et là même son « grand frère » le Président Guinéen d’alors, Alpha Condé, qui avait pris ses quartiers dans un luxueux hôtel, non loin du siège de l’Union Africaine pour le soutenir en souvenir de son ami de fac en France, l’ancien Premier Ministre du Cameroun Sadou Hayatou, n’y put rien. La question qu’on se pose aujourd’hui est de savoir si le Sud-Africain Dany Jordan avait fait son entrée au Comité Exécutif de la Caf en 2013 à  Marrakech, Issa Hayatou, allait se porter candidat en 2017 ? Certainement que non. Car, il aurait trouvé en ce dernier un dauphin capable de garder le Temple contrairement à son entourage du moment d’où n’émergerait pas un candidat capable de lui succéder au regard de leur poids électoral. Il lui devait leur ascension. Ils étaient en fait tous sortis de sa moule à fabrique. C’est son ombre qui plane sur eux. Qu’ils jouissent des honneurs et des privilèges dus à leurs rangs et leurs positions, mais ils n’avaient pas un ancrage avéré dans les limons du football. L’autre question, c’est pourquoi, le Cameroun son pays, n’a pas fait de candidature pour organiser la CAN durant son magistère ? la réponse est tout simple. Fils Princier d’une des plus prestigieuses de son pays, Aristocratique et Régnante sur une bonne partie du Nord dont est issu le Premier Président Amadou Ahidjo, dont les Hayatou furent les tuteurs des parents, il savait que l’actuel Président Paul Biya du clan des Bétis, une branche des Fang eux- mêmes appartenant au grand groupe Bantou, ne portait pas trop dans son cœur, les fils de sa région. Ce, depuis les douloureux événements de fin 82- 83, lorsque Amadou Ahidjo de son plein gré, donna le pouvoir à celui qui était jusque là, son Secrétaire général à la Présidence de la République. Pour des raisons médicales évoquées par des Médecins Français avaient susurrés. Mais une contre expertise médicale Suisse, aurait prouvé tout le contraire. Alors le Président Ahmadou Ahidjo, au lieu de s’en tenir à sa décision première de quitter le pouvoir, avait pratiquement renoncé à cela, en ayant la haute main sur le Parti, l’UNC «  Union Nationale Camerounaise ». Ce qui créa une grande confusion au sommet de l’Etat et qui va finir par un bain de sang à Yaoundé notamment ou la chasse aux officiers et aux ressortissants du Nord entraina plusieurs morts et des blessés. Tenant désormais tous les leviers du pouvoir Exécutif, Paul Biya fit asseoir son Autorité. Amadou Ahidjo après avoir livré sa communauté et sa région à la vindicte populaire, fut contraint à l’exil. Il mourut le 30 Novembre 1989 à Dakar au Sénégal ou il repose toujours face au refus catégorique de son successeur de ramener ses restes au Cameroun. Ahidjo avait certainement oublié, que ce sont les mêmes Français qui l’ont aidé à arriver au pouvoir lui, le simple télégraphiste, au détriment des leaders charismatiques de l’UPC «  Union des Populations du Cameroun », du Bassa UM NYOBE et du Bamiléké FELIX ROLAND MOUMIE. En  dépit de la nomination de son grand frère Sadou Hayatou Premier Ministre et d’un de ses Cadets comme Secrétaire d’Etat à la Santé, Paul Biya, a toujours un esprit revanchard contre les fils du Nord. Ceux d’entre eux qui sont arrêtés et condamnés à de lourdes peines pour des raisons obscures parfois, croupissent toujours en prison. C’est le cas de l’ancien Ministre de l’Information et de la Communication, le Propagandiste du régime, Hamidou Marfa Yaya. Ce faisant, Issa Hayatou n’a pas souvent eu tous les honneurs dus à son rang dans son pays, alors que d’autres à travers le monde, le  bombarde de distinctions honorifiques de toutes sortes. A preuve, ce n’est que bien plus tard,  qu’une grande cérémonie de reconnaissance a été organisé par le Gouvernement Camerounais  à son honneur. Il était certainement parvenu à convaincre les Autorités de son pays à faire acte candidature pour la Can 2019, afin de le grandir en tant que Premier Dirigeant du Football Africain. Ce qui serait en parfaite adéquation avec sa vision pour le Cameroun qui n’avait jusque là qu’une seule Can, celle de 1972 remportée par les Diables Rouges du Congo Brazzaville aux dépens des Aigles du Mali. malheureusement le rêve du Président Issa Hayatou de voir le Cameroun organiser la Can sous son magistère, ne se réalisa jamais, de même que celui peut-être de ses adieux au football et un retour paisible au pays, même en famille à Garoua ou sa tête pouvait être même ceint du turban de Lamido. Il a tout de même vécu la Can 2021, dans les tribunes des stades de son pays dont celui de Coumba Adjara de sa ville natale aux bords de la bénoué. C’est somme toute une grande consolation même si les Lions Indomptables n’ont pas remporté le titre à la maison. L’essentiel c’est que le Cameroun son pays, dont il a porté les couleurs en étant Athlète, Basketteur, Footballeur et Dirigeant à domicile et à l’international, a marqué l’histoire par la qualité de l’organisation. Le Prince Peul rejoins les Royaumes des cieux avec la satisfaction, du travail bien accompli au service du sport, au service de l’humanité tout entière. S’il avait su partir au moment ou il était dans les hautes cimes de la gloire, après avoir tout eu dans la gestion du football, son étoile aurait plus brillé au firmament. Ainsi va la vie, celle-ci, est faites d’ombres et de lumières.

Amadou Diouldé Diallo