LES GRANDES BATAILLES DU FOUTA Suite

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Victorieux de la sanglante bataille de Petel-Djiga,  Bocar Biro, devient donc le14e Almamy du Fouta avec un farouche esprit de vengeance contre ses adversaires politiques Soriya et Alphaya. Des mesures coriaces sont prises à tous les niveaux des structures de commandement. La volonté du nouvel Almamy de concentrer tous les pouvoirs à son niveau est affichée avec à la clé, la fin de l’alternance biannuelle entre les deux clans Seydiyanké telle que contenue dans la Constitution de la Confédération Théocratique, adoptée en 1734 à Timbi-Touni et promulguée l’année suivante à Fougoumba. On le sait, que dans cette Cité Religieuse que fut également amendée la Constitution suite au décès du Premier Almamy Alpha Ibrahima Sambégou victime d’une aliénation mentale. Cet amendement, fut l’objet de larges consultations menées notamment, par les Erudits Thierno Sadou mo Dalein et Saikou Oumar Foutiyou Tall en séjour au Fouta. C’est lui qui favorisa l’alternance Alphaya et Soriya. Et jusque là, elle était rigoureusement respectée. Mais, farouchement opposé à l’entrée des Colons Français au Fouta, ce qui du reste était une preuve irréfutable de son patriotisme, compta plutôt sur sa force, sa bravoure et sa ténacité pour parvenir à ses fins. Il oublia qu’il devait justement son titre et son pouvoir d’Almamy, à cette Constitution et qu’il fallait par conséquent, la faire respecter, par la suite ouvrir un dialogue avec l’ensemble des institutions de la Confédération pour faire passer ses idées à travers des propositions concrètes sur le danger et la menace que représentaient pour le Fouta, la présence des Colons Français. Nul doute que des oreilles auraient été attentives et réceptives à ses idées novatrices de résistance à la pénétration coloniale. Ce ne fut pas le cas malheureusement. Poussé par des pulsions émotionnelles de grande intensité, l’Almamy Bocar Biro décida de n’en faire qu’à sa tête. Et ce qui devait arriver arriva. La mobilisation et l’entente parfaite tant du clan Soriya auquel il appartient, que celui rival Alphaya. A ceux-ci vinrent s’ajouter Fougoumba et le puissant Labé, bref tout le Fouta, au motif de l’effondrement imminent de ce qui constitue le fondement sur lequel repose la Confédération et sur la base duquel sont exercés tous les pouvoirs : la Constitution. Vouloir la violer par la seule volonté d’un Homme, fut-il porté par la farouche détermination de défendre le pays de ses pères, ne saurait être toléré encore moins accepté. Le partage et la perpétuation d’un héritage commun, se discute entre tous les dépositaires d’une parcelle de pouvoirs et de biens. l’Almamy Bocar Biro resta sourd à toutes les demandes de concertations et d’échanges proposées et s’emmura dans ses désirs personnels, dans les excès en épargnant même ses propres frères. Abdoulaye Dokiri, celui qui prétendait à la succession n’eut son salut que dans la fuite, Mamadou Paté qu’il gracia pour sa trop grande ressemblance avec leur père, Almamy Oumar, fut par la suite décapité sur ses ordres, pour dit-il, une participation à un complot tendant à le renverser. Maintenant que toutes les voies pour aboutir à une compréhension et à une entente par le dialogue étaient épuisées, il ne restait plus que l’épreuve de force. Impuissants devant la force de l’Almamy Bocar Biro qui bénéficiait d’un large soutien de la jeunesse, ses frères rivaux cherchèrent des alliés plus puissants. Ils les trouvèrent en ces colons Français qui mirent à profit ces larges dissensions au sein de l’Autorité Centrale du Fouta et de l’ensemble de la Confédération par extension, pour rapidement porter assistance à ceux qui en avaient besoin dans l’urgence d’en finir avec le fils de Nen Diariou Sylla. Beckmann arriva à Timbo sous les plis d’une couverture de signature de traités avec les Almamys, tandis que Sory yilili prenait le chemin de Niagassola à Siguiri ou les Français avaient construit un Fort, pour demander leur soutien contre l’Almamy Bocar Biro. Ce dernier, continuait toujours  de rester sourd à toutes les sollicitations afin de faire respecter la Constitution qui l’imposait deux années conformément à son contenu. Rien n’y fit. Car, pour lui, un seul un Pouvoir Central continu et fort, pouvait empêcher l’arrivée et l’installation des colons Français au Fouta. Et c’était bien lui qui en était l’incarnation pas un autre. Sur la question, il n’entendait rien négocier quitte à y laisser sa propre vie. L’histoire se chargera du reste. l’Almamy Bocar Biro, la domination étrangère était intolérable et inacceptable, ceci était un noble idéal qui à ses yeux, était peu de choses par rapport à la violation de la Constitution qui régissait le fonctionnement de la Confédération Théocratique du Fouta Djallon. Les deux camps campèrent donc sur leurs positions. L’issue finale sera donc celle de la supériorité des armes. La poudre va parler pour sceller le destin tragique d’un Homme, d’une Région et d’un Peuple, en une journée de bataille, le Samedi 14 Novembre 1896 à Porédaka.

                     Amadou Diouldé Diallo