A peine eut-il finit de prononcer ses mots, Mody Sory suivit de ses nombreux lieutenants, pratiquement le gros des troupes, cabra son cheval et fonça tout droit dans la plaine de Bombey, pour affronter leurs adversaires. Il est 14h, en ces lieux où se joue une dramatique insoutenable. On se réfugia sous un arbre à grands feuillages, pour procéder au partage de la poudre à canon à ceux qui détenaient des fusils artisanaux et quelques rares de fusils industriels. Les autres, se contenteront de sabres et autres lances et flèches à pieds, derrière la cavalerie montée pour aller à l’assaut. Comme le Roi de Labé et Cadi de Kaadé, l’Illustre Alpha Yaya Diallo, dont l’intrépide fils Mody Aguibou, était le Général de ses Armées, Mody Sory Barry, jouait le même rôle auprès de son père. C’est pourquoi, l’histoire du Fouta le consacre avec le héros de la mémorable bataille de Tourban-Kansala dans le Ngabou contre Diankéwali Sané, le Koulounnanké-Balla Alpha Abdourahmane Baldé mo Alpha Ibrahima mo Saikou Saliou Balla mo Koin et le Kaldouyanké Mody Mamadou Dian Diallo mo Thierno Mamadou Cellou dit « Karamoko Alpha mo Labé », comme étant les plus beaux et les plus téméraires Princes de la Région. Mody Sory va prouver que cette inflation d’épithètes et de superlatifs à leur endroit, n’est ni volée, ni usurpée. Sabre au vent, il fonça la tête dans le guidon sur l’ennemi dans la plaine de Bombey à Porédaka. Gnaliba l’Intendant Général de son père sera touché de plein fouet par une balle alors qu’il participait à l’opération de partage de la poudre non loin du theatre des hostilités. Il sera la première victime de la bataille de Porédaka. Mody Sory en sera la deuxième. Car, choqué par les propos de son père, gonflé à bloc de démontrer à celui-ci qu’il portait son sang, et qu’il pouvait tutoyer la mort, il prit le commandement de ses troupes avec une gestuelle de bravoure sur son cheval. Les ennemis le reconnurent à sa fougue et avertirent les Français que sans Mody Sory , l’Almamy Bocar Biro n’était absolument rien du tout. Que c’est sur lui que reposait toute sa force. Cet avertissement, résonna comme un hymne dans les oreilles de ces derniers qui envoyèrent une salve en direction du vaillant guerrier dont le cheval se cabra, s’affaissa, laissant Mody Sory mortellement atteint, tomber de sa monture, inerte. Ses hommes continuèrent le combat à armes inégales, mais parvinrent à tuer quelques plusieurs soldats des troupes ennemies ainsi des Français qui reposent dans la plaine de Bombey mais que l’histoire coloniale nie jusqu’à présent la véracité. Evidemment la vérité de la chasse appartient toujours au chasseur. Informé de la triste nouvelle, l’Almamy Bocar biro, prononça ses deux phrases qui restèrent célèbres dans l’histoire du Fouta et de la Guinée. « mo mara sory soray. Bhé arali Porédaka fow, yahay Dakaporé ». ce qui voulait littéralement ceci : « celui qui n’a pas sory, est obligé de trouver un abri pour se protéger. Tous ceux qui ne sont pas venus à Porédaka, iront au campement de caoutchouc ». les nerfs en feu, dépité, sans aucune stratégie, pratiquement à la tête de troupes en débandade, l’Almamy Bocar Biro que les circonstances venaient de transformer en Chef de guerre, fonça à son tour sur les troupes ennemies dans la plaine de Bombey. Dans les deux camps, les morts et les blessés se comptèrent par centaines. En fait c’était en vérité tout le Fouta ou presque, contre un seul Homme qui avait décidé de mourir plutôt que d’accepter la domination coloniale, mais violant de force la Constitution qu’il avait lui-même juré de respecter et de faire respecter. Au crépuscule, les cadavres jonchaient la plaine, Mody Sory y fut enterré, et l’Almamy Bocar Biro aux feux nourris de l’ artillerie, et aux pertes énormes enregistrées dans ses rangs, parvint à prendre la fuite et aller se réfugier dans une foret à Botoré dans Niagara. Ses ennemis se mirent à ses trousses et d’indications en indications, le localisèrent enfin, dans un champ de manioc à Botoré dans Niagara. Il fut décapité, ses restes y furent ensevelies. Il fut intimé à sa mère Nen Diariou Sylla, de porter sa tête jusqu’à Conakry. Ce qu’elle fit dans la douleur d’une mère éprouvée. Arrivée à destination, avec le « colis », elle fut placée en détention pendant deux bonnes années avec la rigueur des conditions climatiques de la mer dont elle ne connaissait point les saisons. Après sa libération elle retourna dans son village non loin de Sokotoro et y mourut non sans fierté d’avoir donné au Fouta, à la Guinée et au Monde ,un Fils de la stature de l’Almamy Bocar Biro, un Lion dont les rugissements, ont fait trembler de peur, ses plus irréductibles adversaires, certains devinrent des ennemis mortels. Un Résistant à la pénétration coloniale qui avait choisi de se mettre au service de son peuple dans l’honneur et la dignité en payant le prix fort du sacrifice ultime. Sa vie.
Amadou Diouldé Diallo