PRINCES ET CHEFS GUERRIERS

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Contrairement à l’Almamy Samory Touré dont le chef des Armées était son frère Cadet Kémé Bouréma, le Seydiyanké Almamy Bocar Biro Barry, et le Kaldouyanké Alpha Yaya Diallo, eurent à la tête de leurs Armées, leurs fils Mody Sory et Mody Aguibou. Courageux et intraitables, ils en imposèrent parfois même à leurs géniteurs, lorsqu’il s’est agit, de prendre des décisions en lien, avec les expéditions guerrières. Les conseils qui les précédèrent, furent parfois, houleux au point, qu’ils dominèrent les débats avant de prendre, le commandement des troupes. Les chroniques du Fouta, enflent de légendes qui se sont édifiées autour de la témérité, de ces deux Princes, omniprésents dans les cercles du pouvoir de leurs pères, contraints parfois, à s’en remettre à eux, conscients qu’ils étaient, que bon sang ne saurait trahir. Voici une illustration, d’une chaude empoignade entre Bocar Biro et son fils Mody Sory. Nous sommes le samedi 14 Novembre 1896 au matin. C’est du Timbi oû il était en visite, que l’Almamy, est tenu informé par sa mère Nénan Diariou Sylla, selon certaines sources, de l’arrivée des Français à Porédaka. Impulsif et déterminé à défendre le pays de ses pères, il arriva au brûle-pourpoint sur les lieux.

Un conseil de guerre, se tient en urgence. L’Almamy dont l’Intendant Général Gnaliba, se tient à ses côtés, peine à écouter l’assistance tant, il est pressé d’en découdre avec l’envahisseur. C’est en ce moment que son fils et Chef des Armées, lui aurait demandé, de tempérer son ardeur et de se mettre, à l’écoute de l’assistance. Vexé par les propos de son fils, il serait parti jusqu’à douter, de la paternité de ce dernier. Car, pour lui, il n’ya rien à discuter dès lors que l’ennemi, est en face. Mody sory, aurait pris les propos de son père, comme une offense qu’aucun digne fils, et de surcroit Prince Seydiyanké, ne saurait accepter.

C’est une question d’honneur à défendre. C’est alors qu’il aurait enfourché son cheval, suivi par ses hommes, direction, la plaine de Bombey au moment même oû, on s’affairait à distribuer la poudre à canon. Ce sera de courte durée. Car, une première salve mit au sol et envoya dans l’au-delà, des guerriers au nombre desquels Gnaliba, l’Intendant Général de l’Almamy Bocar Biro, qui fut la première victime de la bataille de Porédaka. Pendant ce temps, Mody Sory sabre au vent, fonce sur les Français qui sont alertés, par leurs compagnies indigènes. Ces derniers, font même de la surenchère en décrivant Mody Sory, comme celui qui constitue, la force sur laquelle repose, son Père.

L’éliminer  constituerait donc, la fin du quatorzième Almamy du Fouta. C’est alors, qu’ils firent usage de leurs jumelles, pour bien le camper avant que l’artillerie, n’entra en action pour l’abattre, d’une détonation sur le coup. Mody Sory, chuta de sa monture. Il fut trainé quelques mètres, avant de s’écrouler inerte. Il fut, la deuxième victime de la bataille de Porédaka. Informé de la mort de son fils Mody Sory, Bocar Biro  prononça, ses deux phrases qui gardent encore, toute leur essence, et toute leur tonalité, dans la lutte, contre la pénétration coloniale au fouta. «  Bhé arali Porédaka bhen fow, yahay Dakaporé » ; ce qui veut dire, que tous ceux qui ne sont pas venus à Porédaka, iront au campement de caoutchouc dont l’exploitation, constituait une des plus grandes corvées. Il ajouta : « Momara Sory soray » ; autrement dit, que celui qui n’a pas  de Sory ,est obligé de se couvrir, de se cacher. La métaphore, a tout son sens, en plus du prénom, veut aussi dire, se mettre sous. Un arbre, une couverture par exemple. Bocar Biro, monta alors « Morikébé », son cheval préféré, et fonça avec toutes ses forces, et le reste de la troupe, sur l’ennemi qui dût son salut, à son artillerie qui était face, à des gueeriers qui ne disposaient, que de quelques fusils, de sabres, de sagaies et même de lance-pierres.

Malgré leur supériorité militaire, Bocar Biro tua des français qui reposent dans la plaine de Bombey, dont l’histoire coloniale, ne fait nulle part mention, dans ses ouvrages. La question que l’on se pose encore aujourd’hui, est de savoir quelle serait, l’issue finale de la bataille de Porédaka si, l’Almamy Bocar Biro avait pris le temps, d’écouter son fils Mody Sory, le Chef de ses Armées, au lieu de se laisser emporter par la colère compréhensible en soi, d’un patriote engagé qui sentait déjà, la menace que constituait pour le Fouta, la pénétration coloniale. Il avait vu juste. Car, c’est au lendemain de la bataille de Porédaka, que la France prit véritablement possession, du pays Peul. Bocar Biro s’enfuit jusqu’à Botoré dans le Niagara, où il fut retrouvé et décapité. Son fils, le beau et courageux

 Mody Sory lui, repose dans la plaine de Bombey à Porédaka. Sa tombe encore bien visible, ressemble à une butte de patate d’autant plus que personne, jusqu’à nos jours, n’a pensé à construire un Mausolée pour immortaliser l’un des plus Illustres Princes du Fouta, un des plus Grands Combattants de la liberté de la Guinée.

                Amadou Diouldé Diallo